A la suite de missions au Sahel, l'Institut Pasteur et l'association Aide à la médecine préventive (AMP) ont mis en évidence un nouveau variant de méningocoque. Dès 1982, des cas sporadiques de méningite à méningocoque W135 étaient rapportés en Afrique. Mais ce n'est qu'en mars 2000 que la première évidence du potentiel épidémique de N. Meningitidis W135 est apparue chez des pèlerins de La Mecque. Depuis, ce nouveau clone épidémique, issu du sérogroupe A, connaît une expansion mondiale. Ainsi, l'épidémie qui a ravagé les pays du Sahel en 2001 - et, tout particulièrement, le Bénin, le Burkina (1 813 décès), le Niger et l'Ethiopie - a révélé la présence du sérogroupe W135 en proportion équivalente à celle du sérogroupe A.
Dans cette zone subsaharienne, des épidémies surviennent de manière cyclique chaque année (avec des épidémies de grande envergure tous les huit à douze ans). Cependant, depuis une dizaine d'années, on assiste à une fréquence accrue des épidémies et à une extension hors des limites traditionnelles de la ceinture de la méningite. Depuis 1995, près de 500 000 cas ont ainsi été recensés, avec une mortalité de 10 à 15 %. Et on estime que le variant W135 est en cause depuis 1987.
Stratégies vaccinales
Curables par antibiothérapie, la plupart des méningites bactériennes aiguës peuvent être prévenues grâce à des vaccins efficaces, lorsque le diagnostic étiologique est convenablement établi. Longtemps fondé sur la pénicilline G, le traitement repose désormais en Europe sur l'administration de céphalosporines de 3e génération (cefotaxime, ceftriaxone) par voie intraveineuse durant une dizaine de jours. Pour des raisons de coût et de modalités d'administration, on a opté pour le chloramphénicol (sous forme injectable) en Afrique et en Asie du Sud-Est. On craint toutefois aujourd'hui le développement de souches résistantes à cet antibiotique, ce qui serait dramatique pour la lutte contre ces épidémies dans l'hémisphère Sud.
En matière de vaccination, on dispose d'un vaccin bivalent contre les sérogroupes A+C qui est très bien toléré et confère une immunité d'au moins trois ans lorsque administré chez les enfants de 2 ans et plus. Il existe également un vaccin tétravalent contre les sérogroupes A, C, Y et W135 (disponible sur demande à la direction générale de la Santé). Ce vaccin est actuellement facturé 50 euros à l'Institut Pasteur (soit l'équivalent de trois mois de salaire d'un instituteur burkinabé). Des vaccins conjugués (conférant un pouvoir protecteur plus élevé) contre différents sérogroupes sont actuellement en développement.
En revanche, il n'existe toujours pas de vaccin contre les méningocoques du sérogroupe B, à l'origine de la grande majorité des méningites à méningocoques en Europe. D'intenses travaux de recherche, qui associent actuellement des équipes internationales, visent à identifier de nouveaux antigènes (sur la base de séquences génomiques) qui vaccineraient contre tous les méningocoques invasifs. Inutile de préciser qu'en aucun cas la vaccination ne saurait se substituer à l'antibioprophylaxie, destinée à une prévention immédiate des cas secondaires.
En fait, l'émergence de W135 en tant que nouveau variant de méningocoque à potentiel épidémique pose le problème de l'adéquation des stratégies de vaccination. Pour y répondre, il est indispensable et urgent de renforcer les systèmes de surveillance épidémiologique et d'analyse étiologique des agents infectieux responsables des situations épidémiques et interépidémiques. C'est dans ce dessein que l'Institut Pasteur et l'AMP, en collaboration avec des centres de recherche au Niger et au Burkina, se sont associés pour mettre en uvre un programme quinquennal d'appui à la recherche et à la lutte contre ces épidémies. Ce programme vise quatre objectifs principaux.
Un programme de lutte sur 5 ans
En premier lieu, soutenir et améliorer les capacités de surveillance épidémiologique et microbiologique des méningites, en transférant les techniques de diagnostic de biologie moléculaire dans les laboratoires de recherche nationaux des pays concernés (avec une procédure d'assurance qualité réalisée à l'Institut Pasteur). Il s'agit, en outre, d'assurer la formation des professionnels locaux aux techniques d'identification. Mais aussi d'identifier et de valider de nouveaux indicateurs microbiologiques pour une détection précoce des épidémies. Et, enfin, ce qui n'est pas le moindre, de guider et coordonner les politiques de prévention.
Les activités relatives à ce programme de recherche-action ont débuté dans le premier semestre 2002 pour le Burkina et le Niger, avec notamment le démarrage d'une surveillance longitudinale de tout cas suspect de méningite. Cette surveillance doit permettre de détecter sans délai l'émergence d'un clone épidémique et d'alerter les autorités sanitaires. La seconde phase du programme consiste en un projet de recherche multidisciplinaire africain. Elle inclut des études microbiologiques (diagnostic, typage moléculaire), des études sur l'immunité des populations et l'impact des vaccinations, la recherche de facteurs de prédisposition génétique et de cofacteurs environnementaux, notamment climatiques.
La connaissance approfondie des différents facteurs intervenant dans le processus épidémique sera précieuse pour déterminer les choix stratégiques de lutte et de prévention pour aboutir à l'élimination des épidémies dans la ceinture africaine de la méningite. Une élimination qui ne saurait se faire sans « moyens financiers appropriés ». « On aurait besoin de sécuriser un stock de 20 millions de doses de vaccins pour les cinq années à venir. Cela représente un coût de 100 millions de dollars. Qui va les donner ? », s'interroge un médecin africain.
Pour en savoir plus : www.aamp.org et www.pasteur.fr.
Il faut un prix abordable pour le vaccin
Le seul vaccin disponible contre la nouvelle souche épidémique W135 est un vaccin tétravalent (quatre souches dont A, B et W135), dont le prix est d'au moins 5 dollars par dose, résume l'OMS. Il « est tout simplement trop coûteux pour les pays d'Afrique les plus touchés par la méningite », souligne le Dr Ebrahim M. Samba, directeur du bureau régional OMS de l'Afrique. Comme on n'en a pas eu besoin en grandes quantités jusque-là, les fabricants ne disposent que d'une capacité de production limitée, ce qui explique les stocks insuffisants et les prix excessifs.
L'OMS et ses partenaires du groupe de coordination international sur la fourniture de vaccins pour la lutte contre la méningite épidémique (qui comprend notamment l'UNICEF, Médecins sans Frontières et la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge) pensent avoir besoin de 2 à 5 millions de doses de vaccin tétravalent. Selon l'OMS, les négociations avec les principaux fabricants pour accroître la production et ramener le prix à un niveau abordable pour les pays africains sont en bonne voie.
L'OMS et ses partenaires se réunissent cette semaine au Burkina pour adopter une stratégie régionale, prévoyant aussi le renforcement de la surveillance ainsi que du réseau de laboratoires qui y contribuent. Un appel international pour trouver des financements sera lancé.
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