Un an. Voilà un an pile que la convention Belorgey mettait en place un système d'assurance plutôt encourageant pour les malades. Aujourd'hui, assureurs et banquiers, ceux-là mêmes qui défendaient cette voie conventionnelle comme la plus efficace face à la loi censée engendrer de multiples contraintes, semblent s'en laver les mains.
Grâce au mouvement de lutte contre le sida, un premier dispositif offrait en 1991 une couverture de l'assurance de prêt aux personnes vivant avec le VIH. En dix ans, vingt dossiers seulement ont été examinés, parmi lesquels une minorité a abouti. En 1999, les travaux avaient repris, en intégrant cette fois toutes les pathologies. « Nous voulons la loi, toute la loi, rien que la loi. Voilà ce que réclamaient les associations de malades », résume Christian Saout, président d'AIDES. Face à eux, le monde des assurances et des banques agitait le spectre de la faillite, conséquence d'un marché ouvert à la libre prestation de services et s'inscrivant de plus dans un espace concurrentiel européen.
Une nouvelle convention est donc née l'année dernière, fruit de négociations entretenues par les acteurs initiaux de la convention de 1991 qu'ont rejointe d'autres associations de personnes vivant avec un risque aggravé. La convention de 2001 prendra fin en 2003, les pouvoirs publics pouvant entre-temps intervenir par décret en cas de faillite de ce nouveau modèle conventionnel.
A mi-chemin, le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) dresse un bilan déplorable. Premier constat : la convention est extrêmement peu connue et des personnes malades et des conseillers de banque. « Donc, les personnes qui ne sont pas passées par une association se présentent à leur banque et là, on ne les informe pas sur leurs (nouveaux) droits », explique un membre de l'AFM (Association française contre la myopathie). D'après une enquête réalisée par « 60 millions de consommateurs » et publiée dans son numéro de septembre, les banquiers ne respectent pas les engagements qu'ils avaient pris en signant la convention Belorgey. Un seul conseiller de banque sur les 80 testés connaissait parfaitement la convention et proposait la brochure au client candidat à un prêt. Il n'est pas rare que les conseillers de banque en restent même à la convention de 1991, pourtant caduque. La question de la confidentialité n'est pas mieux réglée. D'après la convention, les questionnaires de santé auraient dû être détachables des contrats et le client aurait dû pouvoir choisir de l'adresser à son banquier ou à son assureur. En réalité, les personnes se trouvent souvent dans la situation de remplir ce document devant le conseiller.
La non-information des réseaux bancaires (voulue ou non) ne favorise pas l'information des malades. Nombre d'entre eux sont donc d'emblée découragés et abandonnent leur candidature pour choisir d'autres solutions : demander à un proche de prendre le crédit à son nom ou bien mentir... les fausses déclarations faisant peser un risque très lourd sur la tête des héritiers en cas de décès. Enfin, très souvent, lorsque les malades surmontent ce découragement, ils ne sont pas mis en condition pour modifier les clauses du crédit, alors que, parfois, il aurait suffi de changer sensiblement la durée, le montant du prêt, les garanties.
Vivre comme tout le monde
La section scientifique de la commission de suivi créée par la convention est chargée de vérifier la bonne lecture par les assurances des données scientifiques, afin d'éviter les distorsions entre les pathologies et les primes y afférents. Le consensus scientifique et les manuels de tarification des assureurs se retrouvent sur le fait qu'une personne qui a eu un cancer il y a dix ans ne présente pas de risque, ou bien un risque mineur. Les taux d'intérêt qui lui sont appliqués doivent donc être normaux. Or, dans la pratique, les assureurs rejettent ces dossiers (nul n'est obligé d'assurer), ou demandent alors une tarification exorbitante.
« Les malades ont besoin de vivre comme tout le monde, donc de faire des projets, de procéder à une acquisition immobilière, de s'acheter des loisirs à crédit. Avec la loi du 4 mars 2002 sur les droits des patients, nous pensions avoir mis un petit coin dans une porte. En face de nous, on s'acharne à mettre la pression sur cette porte », se révolte Christian Saout. Le temps est venu de trouver un rééquilibrage entre l'obligation pour tous les citoyens, malades compris, de s'assurer, et la non-obligation de motiver leur refus pour les assureurs.
« On aurait bien voulu planter la bougie dans un gâteau. Mais la bougie restera éteinte », ironise un militant de Familles rurales. Alors, d'un côté, la loi pose des droits fondamentaux, et de l'autre, des pratiques comptables rejettent les personnes malades de la société. L'assurance a-t-elle décidé de passer définitivement le relais à la solidarité nationale, en n'acceptant de prendre en charge que les « petits risques » ? La question est posée. Reste à voir quelle contribution les personnes malades ont le droit d'apporter à notre société. Finalement, c'est là que se situe le débat.
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