Une bonne couverture maladie entraîne une augmentation des dépenses de santé

Publié le 03/07/2002
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Les personnes qui ont une assurance-maladie ont des dépenses de santé plus élevées que celles qui en sont dépourvues. Partant de ce constat, aux allures d'apophtegme, qui est fondé sur de nombreuses études empiriques, le CREDES a cherché à expliquer, à travers les travaux d'économistes, les raisons d'un tel comportement et les conséquences qu'on peut en tirer en matière de régulation des dépenses de santé.

Le fait d'avoir une bonne couverture maladie augmente d'abord, note le CREDES, la quantité de soins consommés. « Le fait que l'assuré consomme plus que le non-assuré est une réaction naturelle et non la conséquence d'un comportement frauduleux sur lequel il faille porter un jugement moral », soulignent les auteurs de l'étude. L'augmentation de la quantité de soins, lorsqu'il y a une bonne assurance santé, n'est d'ailleurs pas la conséquence du seul comportement des patients. Les médecins peuvent contribuer à ce phénomène : « Si (le médecin) est rémunéré à l'acte et si l'assureur rembourse au patient chaque consultation, le médecin peut faire revenir l'assuré plus souvent qu'il ne le ferait pour un non-assuré. »
Il y a là, note le CREDES, « une convergence d'intérêts entre le patient et le médecin au détriment de l'assureur ».
Une bonne couverture maladie peut aussi entraîner, comme le soulignent les auteurs, une augmentation du prix des soins. Le patient, s'il est bien remboursé, ne va pas chercher en effet à bénéficier du meilleur prix pour une qualité comparable. Il ne fera pas l'effort, par exemple, de trouver un médecin exerçant dans le secteur I. Là encore, les prestataires de soins peuvent aussi être tentés d'augmenter leurs tarifs s'ils savent que le patient est bien remboursé.
« L'exemple qui vient à l'esprit, indiquent les auteurs, est celui d'un opticien qui, pour une paire de lunettes de caractéristiques données, ajuste le prix en fonction du remboursement maximal proposé par le contrat de son client. » Il est des cas cependant où l'existence d'un fort niveau de remboursement ne se traduit pas seulement par une augmentation des prix pour un service de qualité identique mais par une amélioration des soins dispensés. Par exemple, lorsque le patient aura recours aux services d' « un médecin pratiquant des dépassements parce qu'il a des titres universitaires particuliers ou une très bonne réputation ». Bref, une assurance santé de haut niveau entraîne une augmentation de la quantité de soins consommés, de leur prix unitaire et parfois de leur qualité.
Obsédés par leur souci de réguler les dépenses de santé, quelles conséquences les responsables politiques peuvent-ils tirer de telles observations ? Le CREDES passe en revue les différentes hypothèses envisageables et les différentes théories économiques. La première tentation à laquelle peuvent céder les responsables politiques est de responsabiliser les assurés pour éviter une augmentation de soins injustifiés. Certains économistes, notamment M. V. Pauly, indique le CREDES, ont suggéré d'aller plus loin encore dans cette voie en offrant aux patients le choix entre plusieurs types de contrats d'assurance santé avec divers tickets modérateurs. C'est au consommateur de choisir son niveau de bien-être, estime cet économiste. Il s'agit là, selon le CREDES, d'une thèse « fortement inéquitable » dans la mesure où, « quelles que soient ses préférences individuelles par rapport aux soins médicaux, un diabétique n'aura pas accès aux mêmes contrats qu'un non-diabétique ».

L'autre face de la médaille

D'autres ont proposé, en revanche, une assurance-maladie universelle avec un ticket modérateur de 25 %. Pour éviter de trop pénaliser les patients les plus démunis, ce système de ticket modérateur pourrait être accompagné d'un forfait annuel. Selon les données de la Rand (institut américain d'études économiques et stratégiques), le taux de 25 % est, en effet, celui qui « permet de limiter le gaspillage des ressources collectives ». D'autres économistes, enfin, estiment qu'il convient de limiter les consommation de soins inefficaces en ne remboursant totalement, selon le CREDES, que « les traitements dont l'utilité pour la société est jugée supérieure au coût de production ». Pour cette école de pensée, ce système de prise en charge devrait s'accompagner d'un « contrôle rigoureux » des prescripteurs et d'une amélioration du niveau d'information de patients.
Il reste qu'en s'interrogeant sur l'impact des assurances santé sur l'augmentation des dépenses, les économistes ne doivent pas oublier l'autre face de la médaille : l'assurance « permet l'accès à des soins de meilleure qualité ou une prise en charge des traitements très lourds ». En cela ses effets sont positifs pour les individus et pour la collectivité.

(1) Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé (CREDES) ; « Questions d'économie de la santé », n° 53, étude de David Bardey, Agnès Couffinhal et Michel Grignon.

B. K.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7160