De notre correspondant
Le projet des chercheurs américains est de prélever davantage d'organes par donneur et, pour y parvenir, d'administrer aux patients en état de mort cérébrale un cocktail de médicaments qui prolonge la vie de tous leurs organes.
La combinaison des trois médicaments s'appelle le Papworth Cocktail ; elle contient de l'hydrocortisone, des infusions de vasopressine et de la triiodothyronine. Ensemble, ces trois substances empêchent l'inflammation des parois cellulaires des organes, améliorent la fonction cardiaque et stabilisent la tension artérielle. Le travail des chercheurs n'est pas remarquable en ce qu'il propose la technique, déjà utilisée, mais pas d'une façon systématique, dans le prélèvement d'organes. Il montre, avec statistiques à l'appui, que si cette méthode était généralisée, on pourrait prélever davantage d'organes et procéder à un nombre plus grand de transplantations sans accroître celui des donneurs.
« L'accent est mis partout sur la nécessité de trouver plus de donneurs et par conséquent de convaincre plus de familles, déclare le Dr Myron Kauffman, consultant pour le United Network for Organ Sharing (UNOS) qui répartit les organes à travers le territoire américain. Mais un autre moyen est de prélever plus d'organes sur la même dépouille mortelle. » Or, en 2001, aux Etats-Unis, 6 083 malades sont morts par manque d'organes. Si la méthode du Papworth Cocktail avait été généralisée à tous les donneurs, il aurait été possible d'en sauver 2 300 de plus, ce qui est énorme.
Les chercheurs ont examiné les dossiers de tous les donneurs en état de mort cérébrale entre janvier 2000 et juin 2001, soit une période de dix-huit mois. Ils ont constaté que 584 de ces donneurs ont été traités par le Papworth Cocktail, mais que 8 185 n'ont pas été traités. Autrement dit, 6 % seulement des donneurs ont été traités.
Ceux qui ont été traités ont donné en moyenne 3,8 organes ; sur ceux qui ne l'ont pas été, on a prélevé 3,1 organes. Pour l'année 2001, les chercheurs ont dénombré un total de 5 921 donneurs en état de mort cérébrale. Après avoir introduit divers paramètres (âge, sexe, race et cause du décès), ils ont calculé que 2 362 greffes supplémentaires auraient été possibles si tous les donneurs avaient été traités par le Papworth Cocktail, soit, selon leurs calculs, 924 reins de plus, 278 curs de plus, 290 foies de plus, 414 poumons de plus et 456 pancréas de plus.
Selon le Dr Kauffman, « il n'y a, en principe, aucune raison de ne pas appliquer la méthode de préservation des organes à tous les donneurs ». Sauf peut-être son prix, car les trois médicaments coûtent 2 à 3 000 dollars (3 300 euros) par donneur. A quoi le Dr Kauffman rétorque que, par rapport au coût global de la greffe, « c'est une goutte d'eau dans la mer ». D'autant que la greffe elle-même, et quel qu'en soit le prix, est toujours moins onéreuse qu'une longue hospitalisation ou un traitement du malade par d'autres moyens.
La décision de recourir ou non au Papworth Cocktail appartient aux médecins de l'UNOS. Le but des chercheurs est de les convaincre que l'usage du cocktail doit devenir routinier et automatique.
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