Journée de l'autisme : une pétition pour une meilleure prise en charge

Publié le 05/05/2002
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« Cent mille autistes en France. Nous demandons un diagnostic précoce selon les critères de l'OMS (l'Organisation mondiale de la santé) et la non-exclusion de la personne autiste dans notre société. Nous exigeons des milliers de places supplémentaires pour les enfants et adultes souffrant d'autisme dans des lieux de vie adaptés et une scolarisation en milieu ordinaire ou spécialisé. Les carences de la prise en charge en France sont un scandale. Nous soutenons l'action des associations de parents pour que les enfants autistes accèdent à une vie digne. »

Autisme France et Sésame Autisme lancent une pétition qui sera relayée, dès aujourd'hui, sur le petit écran et sur les ondes. Elle vise à alerter l'opinion et les pouvoirs publics avant la tenue des Journées de l'autisme les 25 et 26 mai. Sandrine Bonnaire, Marc Lavoine et Richard Anconina parraineront ces Journées, dont la Fondation France Télécom est également partenaire.
Quelles sont les défaillances du système actuel de prise en charge des autistes, dénoncées dans la pétition ?
Kaki Mahi, administratrice de l'association Autisme France et mère de deux petites filles souffrant de troubles autistiques, souligne d'abord « une problématique au niveau du diagnostic ». En France, trois outils sont à la disposition des médecins pour diagnostiquer un trouble autistique : la classification des maladies de l'OMS - qui devrait théoriquement être utilisée par tous les médecins sur le plan international -, le DSM-IV (Diagnostic Statistical Manual, 4e révision), de l'Association américaine de psychiatrie, et une classification spécifiquement française, établie par un cercle de psychiatres.
Kaki Mahi dénonce la confusion qui en découle : « La classification française n'obéit à aucune règle, et je ne suis pas la seule à le penser. Pourtant, certains médecins continuent à l'utiliser. Très souvent, on passe à côté des troubles autistiques : on diagnostique une psychose, une dysharmonie évolutive ou des troubles de la personnalité. La tradition psychothérapeutique et psychanalytique est très lourde en France. »
Ainsi, le diagnostic de psychose infantile n'existe qu'en France : la classification internationale des maladies de l'OMS ne retient le diagnostic de psychose que pour les adultes. Cette tradition française, couplée à un manque de formation initiale des médecins - lors du cursus universitaire médical, Kaki Mahi évalue à 10 minutes le temps imparti à la question de l'autisme - constitue un obstacle très sérieux au diagnostic précoce. L'enjeu est pourtant de taille puisque repérer les troubles assez tôt permet de diminuer les symptômes secondaires comme les comportements destructeurs et l'automutilation. D'où l'appel à n'utiliser que la classification de l'OMS.

La guerre des chiffres

Etablir des diagnostics plus précoces devrait également permettre de comptabiliser le nombre d'autistes. Devrait, car la guerre des chiffres est âpre. Si Autisme France tranche, dans sa pétition, en avançant le chiffre de 100 000 autistes - ce qui correspond à un enfant sur 600 -, bien d'autres chiffres circulent : 20 000, 30 000, 60 000 personnes autistes en France ? Un cas sur 1 000, sur 2 000 ? L'association est légèrement au-dessus de la fourchette généralement admise, qui se situe entre 1/1 000 et 1/2 000. La conclusion de la « Lettre d'Autisme France », d'avril 2002, a le mérite de la clarté : « En attendant, il me semble que nous ne prenons pas de gros risques en affirmant que les cas d'autisme et de TED (troubles envahissants du développement) sont beaucoup plus nombreux que ce que nous pensions auparavant, avec un minimum de 1 à 2 cas sur 1 000 pour l'autisme classique et un nombre proche de 1/200 pour l'ensemble des TED. A nous d'ouvrir les yeux des pouvoirs publics pour qu'ils prennent conscience des besoins que cela implique ! »
Par ailleurs, la tendance actuelle serait à une augmentation importante de l'incidence de l'autisme, c'est-à-dire du nombre de nouveaux cas chaque année. Mais n'est-ce pas simplement corrélé à une augmentation des diagnostics posés ? Encore une fois, la réponse est loin d'être évidente.

Le parcours du combattant

Une fois le diagnostic établi, les choses sont-elles plus simples ? A en croire Marie-Christine Brajard, elle aussi administratrice d'Autisme France, le parcours du combattant ne fait que commencer. Mère d'un petit garçon de 3 ans souffrant d'autisme, elle ne travaille plus depuis un an pour se consacrer à Valentin. Elle se félicite d'ailleurs des progrès accomplis : « Mon fils parle maintenant comme n'importe quel enfant de son âge. » Valentin est scolarisé dans une école classique, non sans difficultés : « Valentin a été déscolarisé 5 semaines parce que sa maîtresse était remplacée. La directrice a dû se dire : "Oh là là, on ne va pas infliger un enfant handicapé à la remplaçante !" Ce matin, il a été réintégré dans une autre classe. Mais il n'y avait même pas d'étiquette sur sa chaise. Il n'avait pas sa place ! », raconte sa mère, qui souligne le traumatisme pour un enfant qui, justement a un besoin aigu de repères.

Prise en charge : une situation dramatique

Cette situation est spécifique à la France, comme l'explique Max Artuso, l'ancien président d'Autisme France : « Alors que l'accueil des enfants normaux est obligatoire jusqu'à 16 ans, cette obligation n'existe pas pour les enfants handicapés en France. » Un retard considérable par rapport à d'autres pays, notamment l'Europe du Nord et les Etats-Unis, où les enfants handicapés sont souvent intégrés dans les écoles publiques et non pas placés en milieu médico-social. Les associations de parents réclament « des milliers de places » en structures adaptées. « Des dizaines de milliers », surenchérit Cécile Aspe, secrétaire générale de Sésame Autisme. Combien de personnes autistes sont actuellement placées dans des structures spécialisées ? Difficile de répondre à cette question, sauf dans certains cas bien précis (voir encadré). L'Etat débloque 50 millions de francs chaque année depuis 1995 et a doublé la somme cette année, avec une enveloppe de 100 millions de francs allouée aux autistes, « mais rien ne nous assure que les places créées sont des places pour les personnes autistes », souligne Cécile Aspe. Un programme triennal 2001-2003, mis en place par le ministère délégué à l'Enfance, à la Famille et aux Personnes handicapées, prévoyait l'ouverture de 1 400 places en structures spécialisées, qui viendraient s'ajouter aux 7 800 existantes. Il existerait donc près de 10 000 places aujourd'hui. Cécile Aspe relativise aussitôt : « Non seulement nous déplorons un manque criant de places, mais un manque de places adaptées. Les autistes n'ont rien à faire dans les hôpitaux psychiatriques. »

Pour signer la pétition ou envoyer des dons, il existe 3 possibilités :
- par téléphone, au Numéro Azur 0.810.105.106 ;
- par le biais de la boîte postale : Journées de l'Autisme, BP 15 75622 Paris Cedex 13 ;
- sur Internet : www.journees.autisme.fr.

Les structures de prise en charge


- Pour les enfants, 3 structures prédominent. L'hôpital de jour est la plus traditionnelle. L'accueil s'y fait à temps partiel, depuis une heure par semaine jusqu'au mi-temps. Jusqu'à 14 ans, c'est souvent le lieu de prise en charge. L'institut médico-éducatif est la deuxième possibilité. Quelques-uns sont spécialisés dans la prise en charge des autistes. La 3e option est la classe intégrée ou CLIS. Il en existerait entre 30 et 50 en France, selon les sources. Elles ont une capacité d'accueil comprise entre 6 et 12 enfants. Le taux d'encadrement y est de 1 adulte pour 2 ou 3 enfants.
- Pour les adultes, 3 possibilités : le foyer de vie ou maison d'accueil spécialisée. L'autiste y a une activité occupationnelle mais qui n'a pas vocation à être rentable. A la différence des centres d'aide par le travail (CAT), où seulement quelques personnes autistes sont placées. Enfin, l'hôpital psychiatrique, « la voiture-balai, où les pathologies mentales comme la schizophrénie se soignent bien et où il reste surtout des autistes aujourd'hui », souligne Max Artuso.

Sophie COUSIN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7121