De 1975 à 2000, 1 375 molécules ont été découvertes par l'industrie pharmaceutique, soit une nouvelle substance active par semaine, mise à la disposition des médecins. Mais ce constat, établi par le rapport de Paul-Etienne Barral, « 26 ans de résultats de la recherche pharmaceutique dans le monde (1975-2000) » doit être nuancé par le fait que 10 % de ces produits peuvent être considérés comme très innovants. L'auteur, qui fait autorité depuis de longues années par ses études sur l'industrie pharmaceutique, a réparti ces 1 375 nouveaux médicaments en quatre catégories, selon leur degré d'innovation, et montre que 56 % d'entre eux, soit 772, sont au dernier niveau de l'échelle.
Les pays du G7
Cela ne signifie pas qu'ils sont inefficaces, mais qu'ils ne sont pas destinés à soigner des affections pour lesquelles il n'y avait pas ou peu de traitements jusqu'alors. Preuve en est d'ailleurs que beaucoup d'entre eux n'ont pas une carrière internationale très prospère.
Ce point sur la « vie » internationale des produits est d'ailleurs l'un des éléments le plus intéressants du document. L'auteur a suivi le chemin parcouru par ces 1 375 produits dans ce qu'il appelle le G7 pharma, c'est-à-dire les sept pays les plus dynamiques en matière d'industrie pharmaceutique : l'Allemagne, les Etats-Unis la France, l'Italie, le Japon, le Royaume-Uni et la Suisse. Seulement 18 % de ces innovations, soit 9 par an, ont été commercialisées dans tous les pays, et 26 %, soit quatorze par an, ont été commercialisés dans la majorité de ces pays, mais pas dans tous.
Sur 52 nouveaux médicaments environ qui sont commercialisés chaque année, 29 ne seront jamais prescrits en dehors de leur pays d'origine, 14 auront une vie internationale limitée et donc neuf seulement seront sur les marchés du G7. Quatre d'entre eux le sont d'ailleurs assez rapidement, moins de cinq ans après leur mise sur le marche national.
La statistique est d'autant plus intéressante que l'on sait l'importance de l'international dans l'amortissement des sommes de plus en plus faramineuses que nécessite la recherche et le développement d'un nouveau produit.
Un budget que Paul-Etienne Barral évalue en moyenne à 711 millions d'euros par médicament. Mais pour les spécialités les plus innovantes, nécessitant de longues recherches et surtout des développements complexes, avec des essais cliniques difficiles, longs et multiples, le coût d'une nouvelle substance active peut dépasser les deux milliards d'euros.
D'où l'impérieuse nécessité de « mondialiser » le médicament en question, au moins pendant la durée du brevet.
On comprend dès lors, mises à part les avancées médicales créées par ces nouveaux médicaments, l'enjeu économique pour les firmes concernées. Et ce sont les plus importantes qui peuvent se permettre de tels investissements. Pas étonnant que ce soient les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Suisse qui soient largement en tête en ce qui concerne les innovations et la mondialisation de leur produits.
Selon le rapport de Paul-Etienne Barral, 61 % des produits qui ont été commercialisés sur tous les marchés du G 7, pour la période 1975-2000, proviennent de ces trois pays. Et les Etats-Unis, à eux seuls, commercialisent 41 % de ces spécialités. Mais la part des Etats-Unis, qui était de 49 % pour la période 75-79 est tombée à 38 % entre 1995-1999, « preuve, selon M. Barral, que les autres pays se sont mis à établir des dossiers mondiaux ».
La France juste devant l'Italie
Dans ce contexte, il faut bien reconnaître que la part de la France n'est pas très réconfortante puisque qu'entre 1975-2000, elle n'a mis sur les sept marchés mondiaux principaux que 9 produits, soit 4 % de l'ensemble des médicaments concernés.
Dans le classement des pays industrialisés, elle ne devance que l'Italie, qui elle n'a pu commercialiser que 2 % des médicaments présents sur tous les marchés du G 7. Si l'on considère les vingt dernière années, c'est-à-dire la période 1980-2000, le résultat est encore plus sévère, puisque cinq médicaments français seulement ont été vendus dans ce groupe de pays. Un résultat qui confirme l'étude récente du secrétariat d'Etat à l'Industrie (« le Quotidien » du 18 février) qui soulignait le retard des groupes pharmaceutiques français dans la mise sur le marché des molécules innovantes : en 2000, sur 41 médicaments ayant réalisé un chiffre d'affaires d'au moins un milliard de dollars (un peu plus d'un 1,2 milliard d'euros), un seul appartenait à un groupe français, commentaient alors les analystes.
Renseignements e-mail : barral-e@club-internet.fr
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