Après l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et l'Institut de veille sanitaire (InVS), c'est enfin l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale qui voit le jour. Les sénateurs et les parlementaires se sont souvent divisés à son propos. Pourquoi ?
Dr MICHELE VEDRINE
Les sénateurs et les députés s'intéressent depuis longtemps au problème d'environnement sanitaire. Mais la question qui subsistait était de savoir si cette agence devait avoir son propre établissement de recherche, comme l'AFSSA avec le Centre national d'études vétérinaires et alimentaires(CNEVA), ou si elle devait plutôt avoir pour rôle de rechercher où est l'information scientifique et de susciter la recherche. Le gouvernement a tranché pour une agence « qui sait où est le savoir », comme le dit le député André Aschieri, et qui dispose d'un budget (BCRD) pour susciter la recherche. La loi (du 9 mai 2001, NDLR) a toutefois été prudente en prévoyant de faire un bilan au bout de deux ans. Mais je n'ai pas d'inquiétude sur la collaboration de tous les acteurs. Il en va de leur intérêt, puisque l'AFFSE doit rendre ses avis et ses recommandations publics. C'est une garantie de transparence.
L'AFSSE a également la possibilité de s'autosaisir. Est-ce un pouvoir important ?
Il donne à l'Agence une autonomie et une indépendance que la population apprécie. L'AFSSE ne dépend pas uniquement d'un commanditaire. Ce pouvoir d'autosaisine, que je connais au sein de la commission de sécurité des consommateurs (qui s'est notamment saisie du problème de la nocivité des éthers de glycol, NDLR), permet de se pencher sur un problème qui aurait échappé aux instances gouvernementales.
Une volonté commune
L'AFSSE est placée sous la tutelle des ministres chargés de l'Environnement et de la Santé. Cette double tutelle ne sera-t-elle pas difficile à gérer ?
L'AFSSE fonctionne très bien, alors qu'elle dépend de trois ministères (Agriculture, Santé, Economie et Consommation, NDLR). Le ministère de l'Environnement s'intéresse plus spécifiquement aux produits et milieux de vie, tandis que le ministère de la Santé est plus préoccupé par les conséquences sur la santé de la mise en contact avec ces produits et les milieux éventuellement pollués. Je ne pense pas qu'il y ait un quelconque problème de prééminence entre ces deux têtes qui ont montré leur volonté commune d'aboutir.
Certains dossiers, comme la pollution de l'eau et de l'air, ont déjà été commandés par le gouvernement. La dotation de fonctionnement devait se monter à 5,30 millions d'euros, soit plus de 7 millions d'euros avec le BCRD. Nous allons occuper des locaux provisoires sur le site de l'hôpital de Saint-Maurice, en attendant la construction en 2003-2004 d'un pôle de santé publique rassemblant l'AFSSE, l'InVS et deux unités de l'INSERM sur ce même lieu. Nous avons prévu de démarrer avec une quarantaine de personnes, dont quinze créations de poste.
Je veillerai notamment à ce que la gestion soit très encadrée. Le danger vient de la difficile adaptation des règles de la comptabilité publique aux nécessités d'une agence qui doit accueillir de très nombreux groupes de travail avec des experts nationaux et internationaux, dans des délais qui peuvent être très courts. Les autres agences connaissent bien ce problème. Il y aura très probablement des marchés publics : c'est une procédure très complexe. Je dois assurer la coordination du personnel administratif et scientifique de l'AFSSE, ainsi que la coopération fondamentale avec les autres agences et l'InVS, car nous devons couvrir l'ensemble du champ environnemental et sanitaire sans qu'il y ait de perte de moyens.
Si, mais nous allons faire un bilan avec son directeur, Gilles Brücker. L'InVS a déjà été chargé de certains aspects de la dioxine, alors que l'AFSSE se penchera sur la pollution de l'eau et celle de l'air. Il y a complétentarité. Nous reprendrons également le dossier des éthers de glycol.
Une très grande responsabilité
Comment vivez-vous votre nomination ?
J'en suis très honorée, et c'est une prolongation des travaux que j'ai menés à la tête de la commission de la sécurité des consommateurs et, avant, en tant que médecin au sein de la CNAM (Caisse nationale d'assurance-maladie, NDLR) et de l'expérience acquise à la Cour des comptes*. C'est une très grande responsabilité, à haut risque médiatique, comme tous les sujets touchant à la santé. J'aimerais faire avancer des dossiers dont on parle beaucoup, mais qui souffrent d'un manque d'expertises ou de coordination, comme le bruit. Mieux avertie, la population française doit devenir adulte et responsable.
Je pense qu'elle en est au stade de l'adolescence. Elle ne sait pas quelle est la part de responsabilité qui lui incombe. Il faut lui faire prendre conscience de ce qu'elle risque, mais également de ce qu'elle peut faire. Il est fondamental d'associer les consommateurs, de les informer et de les aider à comprendre l'information scientifique. Mais l'AFSSE, et l'interface fondamentale que sont les professions de santé, a tout d'abord l'obligation de rendre des avis scientifiquement indépendants.
Créer une élite française
Par quel biais ?
Notamment par celui de la formation. Il y a peu de chercheurs spécialisés en environnement, tant sur le plan toxicologique que juridique ou comportemental. On sait, par exemple, très peu de choses sur le comportement du consommateur. L'AFSSE devra accueillir de jeunes chercheurs en formation ou en postdoctorat. Il faut créer une élite française qui soit crédible sur le plan international et qui fournisse l'appui aux autorités françaises dans les instances européennes et internationales.
Il y a des études très importantes à faire. Lionel Brard, qui a été nommé président du conseil d'administration de l'AFSSE, devra en fixer les orientations. Le Dr Denis Zmirou, directeur scientifique, organisera les travaux scientifiques. J'aurai, quant à moi, pour tâche de traduire pour les professionnels et le public ce que l'AFSSE a voulu dire sur le plan scientifique. Nous sommes tous trois très complémentaires et très motivés.
* Voir le portrait du Dr Védrine dans « le Quotidien » du 19 septembre 2001.
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