Si dans la plupart des pays industrialisés, l'incidence de la tuberculose s'est stabilisée, il meurt encore chaque jour dans le monde 5 000 personnes, soit 12 millions par an. L'OMS parle d'une épidémie de tuberculose mondiale avec 10 % d'augmentation par an en Afrique sub-saharienne par exemple. Cette maladie infectieuse due au Mycobacterium tuberculosis reste une maladie de la pauvreté qui touche les plus défavorisés. Les pays en voie de développement sont les plus touchés, mais dans certaines grandes villes des pays industrialisés, la situation peut être alarmante.
En ouverture de la 32e Conférence mondiale sur la santé respiratoire, centrée sur la tuberculose, son diagnostic et ses traitements, le Pr Jacques Grosset (faculté de médecine Pitié-Salpêtrière, SAMU social de Paris) a jugé préoccupante la situation qui existe à Paris : « J'avoue que je suis choqué du fait que la situation officielle de la tuberculose à Paris est le double de la situation de New York, au moment où tout le monde décrivait cette situation endémique comme dramatique. »
En effet, depuis 1972, l'incidence de la tuberculose n'a cessé de diminuer : 60 cas/100 000 habitants en 1972, 16/100 000 au début des années quatre-vingt-dix, pour décroître de 4 % par an depuis 1994 et atteindre 10 nouveaux cas pour 100 000 habitants sur l'ensemble de la France. Cependant, en Ile-de-France et à Paris les chiffres sont considérablement plus importants : 20/100 000 (soit 2 fois plus) et 46/100 000 (4 fois plus). Une analyse de la situation à Paris montre que deux types de population sont le plus touchées. D'une part, les immigrés plus ou moins clandestins qui viennent de pays à forte endémie. En 1999, l'incidence de la tuberculose était de 7,3/100 000 chez les personnes de nationalité française contre 45,8/100 000 chez les personnes de nationalité étrangère. Les adultes jeunes de 25 à 39 ans étaient les plus touchés avec une incidence 12 fois plus élevée que chez les nationaux. D'autre part, l'autre catégorie de population la plus à risque est représentée par les sujets sans domicile fixe. L'incidence dans cette population est 25 fois plus élevée que celle de la population générale (250/100 000).
Un système de santé inadapté
L'ensemble de ces chiffres diffèrent peu de ceux des grandes métropoles (des chiffres publiés cette année pour San Diego et San Francisco font état d'une incidence de 260/100 000). Ils révèlent surtout l'inadaptation de notre système de santé à répondre aux besoins des populations les plus touchées. Si on se réfère à la situation new-yorkaise d'il y a sept ou huit ans, la situation parisienne semble plus favorable, car il existe peu de cas de multirésistance : « Moins de 50 souches de bacille multirésistantes à Paris, contre 50 % de souches résistantes à New York », indique le Pr Grosset. Pour faire face au problème, le gouvernement américain avait dû dépenser près de 15 000 dollars par malade. Cette multirésistance était surtout le fait de traitement administré en monothérapie.
En France, la rigidité du système fait que, si les traitements sont institués, ils sont en général bien pris. Il s'agit alors d'inventer des moyens de santé adaptés à ceux qui en ont besoin, c'est-à-dire aux immigrés plus ou moins clandestins et aux personnes sans domicile fixe. La solution préconisée serait un système d'hébergement souple avec des lits infirmiers. « Il n'y a aucune raison d'hospitaliser un sans-domicile-fixe dans un CHU pendant six mois pour qu'il puisse prendre son traitement. Il faut lui offrir un hébergement extrêmement souple où l'on va s'assurer que le traitement est correctement pris. Sur 1 000 cas de tuberculose chaque année en France, 80 cas à 120 cas sont recensés chez des sans-domicile-fixe. Pour assurer le traitement sur six mois, il suffirait d'un centre d'hébergement avec soins infirmiers de l'ordre de 40 à 50 lits », assure le Pr Grosset. Il rappelle, par ailleurs, que ce combat est mené par le Dr Xavier Emmanuelli, président du SAMU social de Paris, qui a déjà interpellé les autorités française et la Ville de Paris.
L'affaire de tous
En plus des mesures locales, le Dr J. W. Lee (directeur du Département Stop TB, OMS, Genève) rappelle que l'épidémie de tuberculose touche le monde entier et que ses retombées intéressent les pays riches à faible incidence. C'est le cas d'une ville comme Paris. Aussi l'OMS a-t-elle lancé un plan d'action mondial, « Halte à la tuberculose », et demande aux pays riches une contribution financière pour l'accès à un traitement peu onéreux (10 dollars), la recherche sur les souches multirésistantes (nouveaux traitements) et la mise au point par voie génique d'un nouveau vaccin, le BCG étant peu efficace pour la prévention de la tuberculose chez l'adulte. « La réduction de la tuberculose dans le monde doit être l'affaire de tous ».
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