Le 26 novembre 1901, Aloïs Alzheimer, médecin-chef de l'asile d'aliénés et d'épileptiques de Francfort-sur-le-Main, examine pour la première fois une femme de 51 ans prénommée Auguste : « - Comment vous appelez-vous ? - Auguste. - Votre nom de famille ? - Auguste. - Comment s'appelle votre mari ? - Auguste.» Auguste D. oublie son nom au fur et à mesure qu'elle l'écrit mais restera dans l'histoire pour avoir inspiré au Dr Alzheimer la description d'une maladie inconnue jusqu'alors et qui fait aujourd'hui des ravages.
Dans les pays occidentaux, la maladie d'Alzheimer est devenue la 4e cause de mortalité, après les maladies cardiovasculaires, les cancers et les accidents vasculaires cérébraux ; 4 % des plus de 75 ans sont touchés, 16 % des plus de 85 ans et 32 % des plus de 90 ans. En France, la prévalence globale après 65 ans est estimée à 434 700 cas, dont 328 200 femmes ; et dans dix ans, avec le vieillissement de la population, ce chiffre devrait approcher 500 000. On estime à 100 000 le nombre de nouveaux cas par an mais seuls 50 % des patients atteints font l'objet d'un diagnostic et, parmi ceux-ci, seuls 30 % sont traités. Si bien que seulement 10 % des malades bénéficient de soins adaptés à leur pathologie. La mise en uvre d'un diagnostic précoce est l'un des thèmes de la 8e Journée mondiale Alzheimer, le 21 septembre, avec toutes sortes de manifestations dans toute la France (voir encadré).
Le rôle du généraliste
Il faut rappeler le rôle central du médecin de famille dans le dépistage précoce, sachant que la démence qui caractérise la maladie d'Alzheimer est la phase ultime d'un processus relativement lent (une dizaine d'années) et souvent négligé. Pertes de mémoire, de jugement, de raisonnement, problèmes de langage, désorientation dans le temps et l'espace, changements d'humeur et de comportement... sont autant de signes qui doivent alerter le patient et son entourage. Le généraliste sera d'autant plus attentif à ces premiers signes si le sujet est une personne âgée, de sexe féminin, issu d'une famille comportant des antécédents relatifs à la maladie. Il dispose notamment d'un test portant sur la vie quotidienne, l'IADL (Instrumental Activities of Daily Living), et évaluera par exemple la capacité du patient à utiliser le téléphone, les moyens de transport, à gérer son budget, à prendre seul ses médicaments... D'autres tests d'orientation, plus simples et plus rapides, devraient être bientôt disponibles.
Trois mois d'attente
Le premier diagnostic pourra être validé par un spécialiste (neurologue, psychoneurologue, gériatre) ou dans une consultation mémoire. Malheureusement, les consultations spécialisées, dont tout grand hôpital devrait disposer, sont encore très peu nombreuses (une dizaine) et il faut compter au moins trois mois d'attente pour y avoir accès. Un traitement sera mis en place, là encore le plus précocement possible : on dispose actuellement de médicaments symptomatiques dans la classe des anticholinestérasiques (donépézil, rivastigmine, galantamine). Mais le praticien ne se contentera pas de la prescription. Il devra informer la famille des effets à attendre de la maladie et des stratégies qui peuvent être mises en place.
Car, le plus souvent, c'est la famille proche (le conjoint dans 72 % des cas) qui assure la prise en charge : 6,5 heures en moyenne de travail effectif sans compter la surveillance qui est permanente. Une charge humaine et financière, puisque les soins ne sont pas pris en charge à 100 % (la maladie d'Alzheimer n'est pas sur la liste des affections de longue durée de la Sécurité sociale) et que les coûts indirects (aide à domicile, hébergement en institution...) sont lourds. Selon une étude récente, le coût annuel moyen de la prise en charge d'un malade atteint d'Alzheimer est de 119 508 F, répartis entre l'aide bénévole (31 %), les aides rémunérées (27 %), le coût de l'institution (27 %) et le recours aux soins (16 %). Une autre étude cerne les coûts mensuels en fonction du déclin des fonctions cognitives du patient : de 1 957 F (Mini Mental State ou MMS supérieur à 21) à 26 926 F (MMS inférieur à 10). Dans le rapport qu'il a remis en novembre 2000 (« le Quotidien » du 22) à Elisabeth Guigou, le Pr Jean-François Girard recommande ainsi la création d'une allocation spéciale pour les « aidants informels ».
En attendant cette hypothétique mesure, l'aide aux aidants est la deuxième priorité de cette journée mondiale. L'Union nationale des associations Alzheimer lance à cette occasion « le Guide des aidants », disponible sur demande auprès des 108 associations Alzheimer de France et qui détaille l'évolution de la maladie et les moyens d'y faire face, de s'adapter aux besoins du malade, « d'aider sans s'épuiser », sans oublier les questions financières et juridiques et les adresses utiles.
Un site internet
Le 21 également, l'Union lance un site Internet (www.francealzheimer.com), présentant l'action des associations, des informations, des actualités et une rubrique forum ; et des sessions questions-réponses en direct avec un médecin seront organisées périodiquement. Les Auguste D. d'aujourd'hui ne seront pas abandonnées à leur triste sort.
Prévalence en milliers de cas
En 1999En 2010
AgeHFHF
.
657,610,479,3
.
7016,332,31630,4
.
7515,855,516,856,6
.
802148,840,692,2
.
8525,190,430,4108,1
.
90 +20,790,81773,2
.
Source : P2 J.-F. Dartigues (INSERM 330, Université de Bordeaux-II).
Des manifestations dans toute la France
Créée en 1985, l'association France Alzheimer et troubles apparentés a cédé cette année la place à l'Union nationale des associations Alzheimer, qui regroupe 13 000 adhérents répartis dans 108 associations locales autonomes. Avec 11 millions de francs de budget annuel, ses actions principales sont : les séjours de vacances et le financement des centres d'accueil de jour thérapeutiques (pour soulager les aidants), la formation de bénévoles et de professionnels et le soutien à la recherche médicale. Toutes les associations se sont mobilisées pour la journée mondiale, avec des stands d'information, des journées portes ouvertes, des conférences, ou même des spectacles et des concerts.
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